Je n’ai pas su…

Il y a des moments comme ça où tu te dis que tu as une sacrée chance… mais où tu aimerais aussi pouvoir revenir en arrière de quelques minutes et refaire la prise.

Il fait froid, il va pleuvoir, je sens d'ailleurs quelques gouttes qui commencent à tomber sur mon visage. J’attends mon fils à la sortie de l'école. Ma fille a lâché ma main et s’amuse à ruiner ses chaussures en sautant dans les flaques.

La maman d’une camarade de classe de mon fils à côté de moi entame la conversation. Il fait un temps de chien pour un mois d’avril. C'est triste, avec les vacances scolaires qui approchent. Oui, c’est ma fille. Oui, j’ai deux enfants. Elle en a quatre. Elle m’annonce que son plus jeune fils est hospitalisé depuis quelques jours. Il vient d’être opéré du cœur : ça s’est bien passé. Par contre, son opération du foie s’annonce mal. Il est très probable qu'il ne survive pas. Il a 9 mois. Sa fille est triste, elle ne comprend pas bien la situation et pleure beaucoup. Est-ce que j’ai remarqué que sa fille pleurait beaucoup ces temps-ci ?

Non. A ce moment-là, je me sens comme si j'avais pris un uppercut en pleine figure. Je suis physiquement présente mais mon cerveau est sur pause.

Je surveille ma fille machinalement pour qu’elle ne s’éloigne pas. "Non, ne monte pas sur le banc, tu peux tomber". Je marche à l’instinct, j’ai la tête vide. Je ne sais plus quoi dire. Je ne trouve pas les mots. Ceux de circonstance. Ceux qui consolent. Ceux que l’on doit dire à une mère qui va perdre son enfant.

Mon fils arrive : je l’embrasse. J’articule la question habituelle, sans conviction : « Ta journée s’est bien passée ? ». Je prends la main de mes enfants : il commence à pleuvoir un peu plus fort. Je dis au revoir à cette maman. Elle me dit bon week-end. Je n’ai même pas la présence d’esprit de lui souhaiter bon courage.

Nous prenons le chemin du retour. Cette conversation me hante. Je repense à ses mots, à ma surprise, à mon attitude bête et inacceptable. J’aimerais pouvoir retourner en arrière, trouver quelque chose à dire à cette maman. Je ne m’attendais pas à cette annonce, je n’avais pas préparé de réponse, si tant est que cela soit possible de trouver des mots justes dans ces cas-là.

Des images défilent dans ma tête. J’imagine cette maman toute frêle au chevet de son fils, dans une chambre d’hôpital impersonnelle. Je me demande dans quel état nerveux je serais à sa place. Je repense à son calme apparent et à sa résignation. Je n'ose même pas imaginer sa souffrance mais j'admire sa force.

Je me repasse la conversation dans ma tête. Je me sens nulle. Je n’ai pas su… 



Commentaires

  1. Je comprends ton ressenti et ne suis pas certaine que j'aurais fait "mieux" voire juste différemment à ta place ...
    Mais maintenant tu sais ce que tu aurais pu/voulu lui dire ? Qu'est-ce qu'on peut répondre à ça ? C'est tellement dur une telle épreuve ... Après tout dépend aussi de la nature de tes relations avec cette maman ...

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    1. Je la croise souvent à l'école mais je ne la connais pas plus que ça... Difficile de se préparer à ce genre d'annonce, effectivement.

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  2. Pas facile de répondre à ça... Mon fils est né avec une malformation cardiaque et a été opéré du coeur à 9 mois. Des réflexions à la con j'en ai entendu, crois moi. Il vaut mieux parfois ne rien dire. Je reviendrai vers elle à la rentrée et je lui dirai simplement que j'ai beaucoup pensé à elle et à son courage...

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    1. Oui, parfois, mieux vaut se taire... J'espère que ton fils se porte bien.

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